Les répercussions de l’après-covid n’ont de cesse de se révéler et peuvent prendre des formes variées. Après avoir absolument changé nos habitudes de travail, notre équilibre de vie ou encore nos rapports sociaux, ce sont aujourd’hui les entreprises les plus prometteuses qui s’effondrent et disent aurevoir à leurs employés.
Nous parlons ici de plus de 130.000 licenciements cumulés dans les plus grandes entreprises tech ; Meta (Facebook), Twitter, Shopify, Lyft, Salesforce ou encore Netflix et Google… Il est naturel de se sentir absolument déstabilisé ou même dans l’appréhension en tant que salarié. Qui plus est pour les freelances, pour qui la stabilité de l’emploi n’est jamais un acquis. Nous nous interrogeons donc sur le rôle de l’entreprise et des managers dans ces moments de doute.
Lorsque l’insécurité pointe le bout de son nez, comment maintenir la motivation, l’engagement, la santé morale et le bien-être des employés ?
Si l’État s’emploie à aider financièrement ces entreprises, toutes traversent une tempête. Les managers sont confrontés à la généralisation de situations extraordinaires, et doivent s’adapter en permanence pour garder leurs équipes motivées et sereines.
Mais alors quel impact pour les employés qui se retrouvent dans l’incertitude totale ? Comment garder contact avec ses équipes ? Et surtout comment concilier vie personnelle et vie professionnelle quand les deux deviennent interdépendantes ? Autant de questions sans réponses qui affectent négativement les émotions de chaque collaborateur.
Pendant longtemps émotions et monde du travail n’ont pas fait bon ménage. La période actuelle nous montre toute l’importance des émotions, qui, si elles sont ignorées, peuvent s’avérer dangereuses pour la survie des entreprises ou tout du moins la coordination entre les équipes. Les managers, autant que leurs équipes, se retrouvent dans la nécessité de développer leur intelligence émotionnelle afin de préserver l’entreprise mais surtout de se préserver durant cette période si singulière.
Plusieurs ajustements peuvent aider durant cette période mais sont aussi des facteurs de succès en temps normal :
1) Adapter sa communication
Dans un contexte où nous n’avons plus autant accès à la communication non verbale, ni aux variations d’intonation, il est nécessaire de choisir les bons canaux de communication lorsque l’on souhaite échanger avec ses collaborateurs.
Comment faire preuve d’empathie lorsqu’on doit donner un feedback négatif par écrit ? Comment cerner les réactions que suscitent ces feedbacks et gérer ainsi les conséquences ? Comment être attentif aux signes, quand on se voit « en vrai » ou à travers un écran. Certaines choses peuvent nous paraitre évidentes en présentiel mais dans le cadre du télétravail, ces choses deviennent moins intuitives et automatiques, il faut donc garder l’œil ouvert. Que ce soit un sourire, un regard, un merci dans le couloir ou l’envoi d’un emoji ou d’un « Merci » sur une chaîne Slack, autant de signes de reconnaissance qui font du bien et permettent aux collaborateurs de se sortir de la négativité et des mails / appels incessants.
Par ailleurs, la communication instantanée à longueur de journée est importante afin de faire preuve de disponibilité mais peut aussi être un réel frein à la capacité de travail. Certains collaborateurs peuvent même se sentir contrôler. Ou pire, sous pression. Le collaborateur passe sa journée à répondre aux questions, messages et feedbacks qui lui sont envoyés sans avoir l’occasion de se concentrer sur l’exécution de ses tâches quotidiennes.
Les équipes devront dès lors « allonger » les cycles de feedback : les projets qui requéraient une journée doivent laisser place à un temps plus long pour laisser l’opportunité aux collaborateurs de s’adapter et de s’organiser. L’exigence, même si toujours nécessaire, doit être adaptée à chaque collaborateur en fonction de son quotidien et des responsabilités autant professionnelles que personnelles qui lui incombent. Et tout cela nécessite de connaître parfaitement son équipe, mais surtout de communiquer ouvertement et régulièrement.

2) Adopter un management fondé sur la transparence
Comment savoir quoi faire quand on ne sait pas où va l’entreprise, quels sont ses enjeux actuels, ses prévisions financières, et surtout lorsqu'on ne sait pas quel rôle nous devons jouer pour traverser cette crise ?
On remarque aisément toute l’importance que revêt la communication transparente dans ces moments difficiles, qui plus est lorsque les collaborateurs ne se côtoient pas au quotidien. Il est dès lors essentiel de communiquer, d’informer et d’échanger sur les problèmes autant que les bonnes nouvelles, sur les échecs autant que les réussites.
Chez Zingermann’s, une franchise qui possède 9 cafés et restaurants à Ann Arbor à la frontière canadienne, la transparence est de mise. Chaque vendredi le directeur réunit son équipe et partage les chiffres de la semaine ainsi que les avis recueillis auprès des clients. Il est important de notifier que Zingermann’s s’assure tout d’abord que ses employés ont les connaissances nécessaires pour comprendre correctement ces informations. Une transparence radicale sans avoir formé ses collaborateurs au préalable à comprendre ces informations pourrait même être nuisible. Zingermann’s a donc formé tous ses collaborateurs à lire un compte de résultat bien avant de leur en soumettre un.
Les employés se retrouvent encore plus impliqués car ils perçoivent les problèmes, les réussites mais se sentent surtout acteurs de la vie de l’entreprise. En étant informés et acteurs, ils peuvent adapter leur comportement, et développer un réel sentiment d’appartenance envers l’entreprise dans laquelle ils travaillent.
Les managers se retrouvent en effet parfois dans l’impasse du tout positif. Ils prennent sur eux en évitant de communiquer les mauvaises nouvelles à leurs équipes, pour les protéger de toute inquiétude. Au contraire, ces derniers sont les plus proches du « terrain » et capables d’apporter des solutions qu’il n’aurait pas été possible d’imaginer seul. Il est facile de penser que ce qui vous préoccupe, tourmentera encore davantage vos collaborateurs. Développer son intelligence émotionnelle c’est parvenir à partager ouvertement ses problèmes et doutes tout en semblant garder la maîtrise de la situation et ainsi motiver les équipes à se dépasser pour résoudre la situation sans se sentir acculés.
3) L’intelligence émotionnelle nécessite un changement de posture et donc la fin du manager autoritaire
Le seul point d’appui solide qui reste aux managers pour engager leurs équipes, c’est eux. Face à une situation de crise et de bouleversement, il est donc essentiel d’adapter sa posture et d’adopter un comportement de référence vis-à-vis de ses collaborateurs.
Faire preuve de mansuétude à son propre égard est la première étape d’un tel processus. Pour être créatif, adaptable et innovant, le manager doit commencer par ne pas avoir peur de se tromper. De plus, un collaborateur qui admet ses doutes et assume sa vulnérabilité ne peut que susciter la bienveillance de son équipe, qui se sent comprise et soutenue.
Il est commun, dans des situations sensibles, d’envoyer des signaux au lieu d’énoncer des faits ; de jouer des rôles au lieu de se présenter aux autres tels qu’on est, avec ses faiblesses. Ainsi, ces comportements corrompent tout ce qui fait la force d’une équipe : la confiance, la transparence, les discussions constructives et l’engagement.
Jacqueline Loeb, la fondatrice et PDG de la startup Scouted en Californie promeut quant à elle l’importance du « je ne sais pas ». Il est essentiel de savoir communiquer sur ce que l’on sait, mais aussi avouer que l’on ne sait pas tout et qu’une part d’incertitude persiste. Mais accepter l’incertitude selon elle, permet aussi de la réduire. Il est toutefois impératif de prévoir des moments réguliers de mise à jour des informations et d’instaurer un processus de feedback constant.
Bosch en Chine, favorise également le partage de « mauvaises pratiques » pour démystifier l’échec et favoriser le droit à l’erreur. Les collaborateurs se réunissent une fois par mois autour du « mur de l’échec » afin de partager, de façon bienveillante, leurs meilleurs échecs du mois. Une très bonne façon de se remémorer ses erreurs, et de les partager avec ses collaborateurs pour s’améliorer et apprendre ensemble.

4) Gagner en empathie tout en laissant plus d’autonomie et de flexibilité à ses équipes
Comme l’explique Laëtitia Vitaud dans l’un de ses articles, les managers ne devraient-ils pas apprendre à « ménager » plutôt qu’à manager ? Répliquer les habitudes organisationnelles du management traditionnel peut très vite devenir un facteur de désengagement total de la part des employés en période de confinement mais également par la suite.
Il est dès lors nécessaire, pour maintenir l’équilibre psychologique de ces derniers, d’adopter une nouvelle posture face aux habitudes que nous répliquons machinalement sur nos lieux de travail.
La prédominance de la bureaucratie et des strates hiérarchiques se veut d’autant plus destructrice dans un contexte de doute et d’insécurité. Il faut apprendre à se connecter aux équipes autrement.
Le groupe Ian Martin, une entreprise familiale canadienne de 200 collaborateurs spécialisée dans le recrutement de profils technologiques, met l’accent sur l’écoute et le temps que chacun doit accorder à ses collègues. Pour ce faire, tous les mois à lieu une réunion entre équipe au cours de laquelle chaque collaborateur prend la parole pour évoquer des évènements professionnels, sa vie privée, ses opinions… Cette réunion permet souvent d’apaiser ou de rassurer certaines personnes. C’est aussi un moment durant lequel les personnes apprennent à se connaître autrement, non seulement pour leurs aptitudes professionnelles mais aussi pour leur personnalité.

5) Organiser des temps forts pour maintenir et renforcer sa communauté
Développer son intelligence émotionnelle, c’est aussi anticiper les besoins de ses collaborateurs et répondre à leurs attentes. Il s’agit d’une période idéale pour mettre en place des routines quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles. Du « bonjour » en début de journée jusqu’au happy hours réels ou virtuels, en passant par des canaux Slack dédiés aux activités sportives ou à toutes badineries extra professionnelles, il est crucial de dépasser le simple cadre professionnel et de cultiver de nouvelles relations plus amicales.
Mindvalley, une académie en ligne malaisienne de 250 collaborateurs a créé sur le Slack de l’entreprise une « Sports Channel » où chaque jour, un nouveau challenge est lancé à l’ensemble des collaborateurs. Les collaborateurs sacralisent donc ce moment quotidien et le partagent avec leurs collègues. Un moyen très simple d’échanger sur des sujets annexes et de prendre un bol d’air frais après une journée de télétravail bien remplie.
Conclusion
Nous sommes tous humains. Et oui. Chaque employé ressent un stress durant cette période incertaine, qui semble s’éterniser, notamment en raison du bruit ambiant qui annonce une récession économique. Mais en gérant les attentes des équipes et en étant transparent sur ce qui va se passer, il est possible d’aider ses employés à traverser cette période d’insécurité avec plus de confiance et de la compassion.
C’est l’occasion de donner la priorité aux facteurs moins évidents qui rendent les équipes plus fortes à long terme. Les petits ruisseaux forment les grandes rivières, alors chaque action peut faire une différence majeure. Et l’intelligence émotionnelle pourrait se définir par cette faculté à poser de nouveaux jalons tant relationnels que professionnels qui vont permettre à vos employés et équipes de traverser cette crise de la meilleure des façons.
Toutefois, il est important de signifier que le manager ne porte pas toute la charge de cette nouvelle organisation. Il est essentiel de faire ruisseler les bons comportements et les bonnes attitudes afin de créer une véritable symbiose entre les équipes.
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